Fatoumata Fathy Sidibé, « la voix d’une rebelle »

« Oui, j’ai le courage de mes opinions et la force de les défendre » une phrase de l’auteure Fatoumata Fathy Sidibé qui définit quelque part la femme audacieuse. Peintre, poète, auteure, parlementaire, journaliste, militante féministe, Fatoumata F Sidibé a su se frayer un chemin dans la jungle de la politique [Belge].

Souriante, dynamique, de taille moyenne, assez claire de peau ce qui m’a séduit chez Fatoumata F Sidibe à notre rencontre, c’est sa polyvalence, sa finesse d’esprit et sa volonté de se battre contre les injustices. Et au-delà, elle m’a paru être une source intarissable d’expériences.

Des rues de Bamako au parlement bruxellois

La fermeture des écoles engendrée par les grèves incessantes contre le régime de Moussa Traoré (ancien chef d’Etat du Mali 1968-1991) met fin aux aspirations de la jeune Fatoumata de réussir son baccalauréat et de décrocher une bourse. Elle arrive néanmoins à quitter le Mali son pays d’origine pour étudier en Belgique sur invitation de sa sœur en 1980.

« Oui, je viens d’un pays où l’on pratique l’excision, la polygamie, la répudiation, où les femmes n’ont pas accès à l’héritage où l’on privilégie l’éducation des garçons, où le destin des filles est de se marier, de faire des enfants ». Sensible à ces injustices, elle grandira en même temps que sa révolte. Elle entre d’ailleurs au parlement belge sous la bannière féministe.« Dès l’entame de mon mandat, j’ai annoncé la couleur : j’allais crier haro sur les violences à l’encontre des femmes ». Sa capacité à se battre pour les droits humains, demeure l’un de ses innombrables talents.

Après des années de combat au sein du mouvement « Ni putes, Ni soumises », elle décide de se lancer en politique et adresse alors une lettre aux membres du conseil d’administration du comité belge de « Ni putes Ni soumises » pour leur annoncer son nouvel engagement et remettre son mandat.

Femme noire, de culture musulmane, féministe, laïque,  militante contre les discriminations, le racisme, la négrophobie, la transphobie, l’homophobie, l’antisémitisme…. Il n’en faut pas plus pour en perturber plus d’un selon députée honoraire du Parlement bruxellois . « Entrer en campagne c’est comme monter sur un ring virtuel où il faut résister de tous les côtés à l’intérieur de son parti, face aux autres partis et vis-à-vis des électeurs qui sont souvent loin d’être acquis à votre cause. » Fatoumata avoue que ses années au parlement bruxellois n’ont pas été de tout repos.   Elle confie à ce propos « la politique a bridé ma créativité » et «les vrais créateurs ne sont pas dans la politique mais dans la vie ».

Après 10 longues années de dur labeur et un combat de longue haleine contre les discriminations et les inégalités au parlement, elle décide de se retirer de la scène politique en 2019. Elle estime que la politique est un univers où on aime les gens dociles. Ce qui ne la correspond pas.

Fatoumata, une femme dont les rêves ne s’épuisent pas

 

Fatoumata Fathy Sidibé fait partie de ce groupe d’individu qu’on surnomme « les fighters ». De notre rencontre, j’ai compris que c’est une femme en perpétuel apprentissage, de la vie et d’elle-même. Sa bibliographie est constituée d’un roman « Une saison africaine » publié en 2006 à Paris aux éditions Présence africaine et réédité en 2018 , du recueil de poème et de peinture « les masques parlent aussi » des éditions Saran publié en 2014. Et son essai « la voix d’une rebelle » publiée en 2020 aux éditions Luc Pire, qui selon elle, est une trace de son existence et la preuve de ses expériences de vie.

Elle clôture d’ailleurs son livre avec ces mots : « Je suis résolue, passionnée optimiste. Et mes rêves ne s’épuisent pas. Chaque expérience est une occasion d’aller plus loin, de développer son GPS émotionnel, d’être honnête et fidèle avec soi-même, de conduire la locomotive de sa vie……Il suffit de décider de la vie que l’on veut, et si on ne sait pas ce qu’on veut, ce n’est pas grave. Il suffit de se focaliser sur ce que l’on ne veut pas ou plus, d’aller à la rencontre de ce qui fait écho en nous. C’est aussi cela rester fidèle à soi-même. C’est pour rester fidèle à moi-même que je résiste. C’est aussi pour cela que souvent je suis partie, que j’ai fermé des portes pour que d’autres portes, fenêtres et toits puissent s’ouvrir. La vie est trop courte pour se contenter de n’en vivre qu’une seule ».

Pour la militante féministe, la liberté reste fondamentale pour l’être humain. Elle se définit comme une femme totalement libre. La liberté c’est choisir sa vie, choisir de partir quand on n’est pas bien, choisir d’être en harmonie avec soi-même. Quand on est libre, on n’enferme pas les autres. Petite, quand on me demandait qui je souhaitais devenir, je répondais que je voulais être liberté. Et cette liberté n’est pas que physique, mais mentale. On peut être libre physiquement mais être enchainé dans son esprit explique-t-elle.

« Il y’a des femmes qui prennent leur liberté au Mali. Et c’est très difficile par ce qu’il y’a beaucoup de pesanteur sociale, religieuse, traditionnelle. Mais la liberté passe d’abord par l’autonomisation financière. Il n’est pas possible de parler de liberté sans autonomie économique. Je connais plusieurs maliennes et même jeunes qui n’ont pas l’intention de se laisser enfermer. Elles veulent une liberté, pas contre la société mais pour soi et aussi pour la société ».