“Par ce qu’elles savent tout de l’attente, elles connaissent le prix de l’amour “ Fatou Diome.

Connue pour la pertinence des sujets qu’elle évoque et la qualité de chaque mot qu’elle produit. Le talent d’écrivaine de Fatou Diome demeure indiscutable . Je l’ai découvert à travers ses interventions sur les plateaux télé et les réseaux sociaux. Mais j’ai réalisé que ce sont les œuvres de l’autrice qui la rendent tout simplement fascinante.

En effet, l’autrice sénégalaise sait émerveiller, attrister, attendrir, et enjouer avec sa plume.
Son livre “celles qui attendent “ des éditions Flammarion est un délice pour l’esprit. Mais au delà de la qualité des textes, ce livre est une interpellation sur le quotidien des mères, épouses d’émigrés.

« Ceux qui nous oublient , nous assassinent »

La romancière aborde plusieurs thématiques dans le livre , comme l’émigration (ce qui peut en être les causes et les conséquences) le poids des coutumes, les relations france-afrique et les injustices sociales auxquelles les femmes sont confrontées.

Ce qui m’a séduit dans le livre au delà de la finesse des écrits, c’est la force émotionnelle et la persévérance des personnages en particulier le personnage d’Arame « l’héroïne » du livre.
Arame est une mère d’émigré, épouse d’un patriarche des plus désagréables et grand -mère de plusieurs petits enfants dont elle doit s’occuper.
Victime des coups de la vie, elle a su surmonter chaque obstacle auquel la vie la confronté. Plus aguerrie à chaque fois, sa sagesse et sa bonté d’âme lui ont permit de braver toutes ses innombrables difficultés.

« Arame n’était pas démissionnaire, elle avait simplement accédé à ce vaste territoire intérieur où tous ceux qui l’écrasaient quotidiennement perdaient leur poids ».

Arame dès son plus jeune âge est mariée à un homme qui a l’âge de son père. Elle a alors deux enfants, le premier pêcheur de métier meurt en lui laissant ses 7 enfants. Et le second fils, avec un niveau d’instruction moyen, faute d’espoir, encouragée par cette dernière  emprunte la voix de l’émigration clandestine. Le livre raconte les tourments d’Arame, de son amie la déferlante Bougna, de Coumba et de Daba ( leurs belles filles mariées par calcul). L’écrivaine porte un regard sur la détresse, le désespoir, la misère et sur ces femmes de deux générations aux prises avec les souffrances causées par l’absence et l’attente.

La vie n’attend pas les absents, malheureusement pour celles qui attendent. Le quotidien devient pesant, lorsque l’espoir en l’avenir s’estompe peu à peu. Mais la vie regorge malgré tout, de moments d’intense bonheur et de satisfaction. Oui, une fois les tempêtes passées, un horizon d’espoir et de soulagement se présente alors. Et là, les sacrifices, les douleurs, les défis du quotidien révèlent en nous leur sens profond.

« Quand il ne reste plus qu’à répéter ce que les autres ne veulent pas entendre, se taire fait partie du respect de soi. Savoir prendre sur soi, dans ces cas-là, ce n’est pas une démonstration de force, mais une preuve d’humilité. Une telle acceptation permet de saisir une évidence : quand on n’a plus l’emprise sur les choses, on peut continuer la route, comme un fleuve persiste à couler, même lorsqu’il n’arrive plus à faire flotter les barques enlisées. Vivre, dans un tel état de conscience, c’est acquérir la souplesse d’une corde qui repose en spirale sur elle- même, en attendant que la vie veuille bien s’en servir pour, un jour, sauter encore”

Le livre ne se termine certes pas par « ils vécurent heureux et eurent beaucoup d’enfants » mais il évoque un sentiment d’espoir réel, que l’amour, la patience et la persévérance finissent toujours par payer. Et tout ce que la vie peut offrir de merveilleux et de beau a un prix. La question est combien, chacun est il prêt à payer pour avoir son gage ?
Ce prix Arame l’avait payé toute sa vie avant d’ensuite profiter de son dû de la vie.

“Ce que les gens appellent l’éternité, qu’ils imaginent telle une ligne de mire lointaine, n’existe pas. La véritable éternité, c’est un bref instant, volé à la vacuité du quotidien, où, soudain, une intense beauté se concentre et s’ancre si profondément en nous que le temps à venir ne peut en éroder le souvenir. L’éternité, c’est cette pleine présence à soi et aux autres lors de ces moments inoubliables. Si le corps se laisse ruiner par le temps, il existe en nous des endroits où la beauté ménage un espace hors d’atteinte. Partager la sincérité d’une émotion, c’est transmettre l’essence de ce que nous sommes. “