Santé sexuelle : les produits miracles du plaisir !

Les femmes sont-elles prêtes à tout pour une relation intime harmonieuse ? C’est en tout cas un sujet de préoccupation dont on trouve écho dans les réseaux sociaux. Ici, on partage surtout nombre de recettes traditionnelles pour parvenir au plaisir, et tout un commerce fleurit autour de ces pratiques.

Clou de girofle, cristaux de menthe, dattes mélangées avec du lait, Baby Dji ou encore jus de Gueni… ce sont quelques-uns des produits consommés par les jeunes épouses ou nouvellement mariées. Pourquoi, au juste ? Il s’agit de produits devant les aider à donner du plaisir à leur conjoint lors des relations intimes. Ces « astuces », censées faire des miracles, sont abondamment partagées sur les plateformes et réseaux sociaux. Le besoin semble impérieux : en témoignent des échanges vocaux entendus sur des groupes WhatsApp de femmes.
L’un de ces groupes de discussion se dénomme Femmes originales. Ecoutons Amy, une participante. Elle est nouvellement mariée et dit recourir fréquemment à ces moyens, surtout dans son cas la consommation de dattes mélangées au lait. Elle avoue le faire dans le but de retenir son homme à la maison, en changeant la saveur de leurs rapports. « Même si cela ne le retient pas vraiment, j’aurai au moins une place importante à ses yeux, quand il sort voir ailleurs », dit-elle avant de souligner que la femme doit tout faire pour être heureuse dans son foyer. Comprenons : en rendant son conjoint heureux.

Autre témoignage : « quand je recours à de tels moyens, mon mari est content de moi, il le manifeste le matin avec des câlins, il me couvre de cadeaux, me donne de l’argent. Souvent quand il part à son boulot, on passe la journée à s’envoyer de petits messages d’amour », confie Ramata Konaré avec un éclat de rire, ajoutant que ce n’est pas la même chose quand elle ne fait rien. La trentenaire précise, elle aussi, que si son mari sort flirter dehors, il va du moins la respecter devant ses concurrentes.
Koumba Ballo, elle, précise avoir découvert ces « trucs » après ses noces, grâce à sa conseillère nuptiale – appelée « Mayamagan », Au départ, elle n’utilisait pas d’aphrodisiaques. Mais a fini par s’y intéresser en intégrant un groupe de femme sur WhatsApp (« Les femmes fontaines »), où chaque soir sur la plateforme divers procédés sont discutés. « J’avoue que, depuis, j’y ai pris goût et de temps à autre je pimente notre relation pour le plus grand bonheur de mon partenaire. Depuis, il en est accro », soutient la mère de deux jeunes garçons.
Un jour de mercredi, au marché rose de Bamako, sous un soleil brulant accompagné d’un vent violent qui annonce la pluie, nous arrivons en slalomant chez le grand commerçant Aboubacar Baldé. Ce quadragénaire est entouré de sacs de 100 kilos contenant différentes herbes. Le vendeur explique que ces produits sont généralement prisés par les femmes pour agrémenter leurs relations intimes. Tout d’abord, les femmes qui achètent ses plantes le font pour lutter contre les maladies ou inconforts, à savoir la sècheresse vaginale, les mauvaises odeurs vaginales, les infections, le fibrome. Mais aussi pour avoir du plaisir sexuel. Aboubacar fait de bonnes affaires. Par jour, il dit gagner une recette de plus de 50.000 Fcfa.
Baldé n’est pas avare de détails… il indique que ces herbes, prises pour des raisons thérapeutiques, peuvent avoir des conséquences chez la femme consommatrice, si elle n’est pas mariée. Exemple à l’appui, il indique qu’une fille non mariée qui utilise telle recette pour traiter son infection vaginale peut ressentir sans le vouloir une envie folle de faire l’amour… au point parfois d’avoir un rapport sexuel avec un inconnu, ce qui peut se solder par une grossesse non désirée. C’est pourquoi, il déconseille aux filles célibataires de prendre ses médicaments.
Lors de nos échanges, surgit Fousseyni Koné. Le jeune homme demande à Aboubacar s’il peut lui vendre un médicament du nom de « Djeka », dont le sachet est vendu à 500 Fcfa. Questionné, Fousseyni explique être envoyé par sa femme. « Cela arrive très souvent, vu que je suis commerçant ici, au Grand marché ». A la question de savoir s’il adhère à l’idée que sa femme utilise ces produits, le jeune homme répond n’y voir aucun problème : tant qu’il s’agit de sa santé, ou encore de leur plaisir intime, et il préfère ces herbes bio aux produits chimiques qui peuvent causer des cancers vaginaux. Aboubacar, le vendeur, confirme : beaucoup de ses clientes achètent le « Djeka » pour traiter les infections vaginales.

Un peu plus loin au marché Dabanani, nous arrivons dans la boutique de Mohamed Camara. Le trentenaire aide son frère à vendre de tels épices qui décuplent le plaisir. Depuis belle lurette, il en a fait son métier et vend des herbes naturelles aussi bien que des produits pharmaceutiques. Il précise : certains sont pris par voie orale, d’autres sont placés dans le vagin ou même sont à placer sur le corps avant l’acte sexuel. On trouve de tout et de toutes les couleurs dans sa boutique : des parfums, des sirops, dont l’étiquette est en chinois.
Amadou Bocoum est gynécologue-obstétricien au Centre hospitalier universitaire (CHU) Gabriel Touré. Il tempère l’enthousiasme de nos précédents interlocuteurs, et explique que pour le plaisir sexuel, un environnement propice est le premier élément à prendre en compte. S’y ajoute le consentement du partenaire qui doit savoir s’il a envie de faire l’amour. Si cette envie n’y est pas, de manière durable, conseille-t-il, il faut suggérer à la personne concernée de faire une psychothérapie pour gérer le problème. En revanche, prévient le praticien, celles qui introduisent des médicaments traditionnels dans leur sexe pour d’atteindre l’orgasme s’exposent à des complications telles que les infections, l’infertilité ou des plaies au niveau du vagin.

Le gynécologue conseille donc plutôt aux conjoints de communiquer entre eux sur les points sensibles à connaître de leur corps, et d’éviter le stress. Il ajoute que la femme doit consulter un spécialiste pour savoir si elle n’a pas de séquelle d’excision, ou d’infections qui entrainent des douleurs pendant le rapport sexuel et empêchent l’orgasme.

Fadi Cissé