Les écrivaines africaines reléguées au second plan dans la littérature africaine !

 
Léopold Sédar Senghor, Camara Laye, Amadou Hampâté Bâ, Ousmane Sembene voici quelques auteurs dont les noms ressortent souvent lorsqu’on parle de littérature africaine. Ce qu’ils ont en commun ? leur masculinité, ces écrivains sont tous des hommes. N’existe-t-il donc pas dans la littérature africaine des femmes ? Et bien fort heureusement si !

Parler d’écrivaines africaines c’est ainsi mettre en lumière une exceptionnalité, pour utiliser les mots d’Hugo bréant dans « Afrique contemporaine ». Ainsi ce qui saute aux yeux c’est l’ invisibilité des écrivaines africaines dans la littérature africaine. Qui sont-elles et où sont-elles ?

Inconnues ou invisibles, il est indéniable que les auteures africaines ont autant apporté à notre littérature que leurs condisciples masculins. Alors pourquoi cette absence ? Outre l’oppression patriarcale, l’invisibilité médiatique contribue, elle aussi, à effacer ces femmes du monde littéraire.

Négritude et femme

Négritude. Un mot incontournable, un passage obligé lorsqu’il s’agit d’évoquer la littérature africaine d’expression française. Si le Sénégalais, le Martiniquais et le Guyanais sont perpétuellement acclamés comme étant les géniteurs de la Négritude, on verra dans le livre 8 leçons de l’Afrique d’Alain Mabanckou que d’autres personnages, injustement relégués au second plan, en particulier les femmes, ont autant participé à l’émancipation et à la vulgarisation du courant.
Paulette Nardal expliquera la raison de l’absence des femmes dans le « récit officiel » de la Négritude :
« Césaire et Senghor ont repris les idées que nous avons brandies et les ont exprimées avec beaucoup plus d’étincelles, nous n’étions que des femmes ! Nous avons balisé les pistes pour les hommes. Paulette Nadal est co-fondatrice de la revue du monde noir, et première femme noire à étudier à La Sorbonne.

Elle avait raison de préciser ainsi les choses car c’était dans cette Revue du Monde Noir que Césaire et beaucoup d’autres Noirs de la diaspora allaient découvrir les poètes noirs américains tels Claude McKay, Alan Locke ou encore Langston Hughes. C’est encore dans cette revue qu’ils liront la pensée de l’ethnologue et archéologue allemand Léo Frobenius. Celui-ci publiera en 1936, un livre fondamental sur le continent noir, L’Histoire de la civilisation africaine, qui aura une profonde « profonde influence dans l’édification du mouvement de la Négritude.

D’autres femmes, et non des moindres, ont marqué la Négritude. Parmi elles, Christiane Yandé Diop. Lorsque son mari Alioune Diop crée la revue Présence Africaine en 1947 et la maison d’édition éponyme deux ans plus tard, Christiane Yandé Diop est, dans l’ombre, une des pièces maîtresses du projet, pour ne pas dire la gestionnaire , elle a également participé à la préparation du premier Congrès des écrivains et artistes noirs de 1956. On peut citer aussi Suzanne Césaire , poète et dans les oeuvres ont été publiée La Revue du Monde Noir , Suzanne Césaire est épouse d’Aime Césaire.

 

Une littérature inconsciemment féministe au départ ou simplement engagée ?

Les années 1970 verront l’arrivée des femmes dans le paysage littéraire. Des personnages féminins puissants, des scénarios qui dénoncent les inégalités, ou encore des sujets qui brisent le tabou. Voici entre autres ce que mettent en exergue plusieurs écrivaines africaines dans leurs œuvres. Bien que certaines d’entre elles ne se réclament pas féministes, il est évident que les œuvres n’en demeurent pas moins telles.
En exemple, nous pouvons citer « une si longue lettre » de Mariama Ba, le classique féministe africain par excellence à mon avis. L’écrivaine dans ce roman soulève plusieurs questions sur les constructions sociales, les traditions – coutumes ,les injustices et les inégalités. Son roman est à la fois dénonciateur et sensibilisateur.
« Ma voix connaît trente années de silence, trente années de brimades. Elle éclate, violente, tantôt sarcastique, tantôt méprisante. » passage d’une si longue lettre.

Ken Bugul, pseudo de Mariétou Mbaye, auteure du « baobab fou » consacre , elle aussi sa plume à soulever plus ou moins ces mêmes questions.
Dans le style autobiographique, nous retrouvons cette touche féministe dans l’ouvrage « La vie d’Aoua Kéita racontée par elle-même » de la malienne Aoua Keita. Qui fait partie d’ailleurs des premières écrivaines de l’Afrique occidentale. Une œuvre unique qui permet de découvrir la vie d’une intellectuelle africaine soumise à la double influence de la colonisation et des traditions africaines, deux formes de pouvoir qui étaient loin de répondre aux aspirations des femmes de l’époque et invitèrent quelques pionnières à prendre en main leur destinée.

Parallèlement, la sénégalaise Aminata Sow Fall, contrairement à ses consoeurs, apporte un ton différent. Aminata privilégie le citoyen narrateur au détriment du personnage feministe précisément dans son roman La grève des battus paru en 1979.
Envisagée sous cet angle, la littérature féminine africaine constitue un véritable contre-discours positif, à même de revendiquer des changements sociaux majeurs de différentes générations.

Les écrivaines africaines de plus en plus présentes dans le paysage médiatique

Ces dernières années, avec la présence de plus en plus de femmes dans le journalisme. Et avec l’évolution numérique, les écrivaines africaines sont de plus en plus présentes sur la toile.
Les médias internationaux et locaux s’intéressent à certaines femmes qui ont choisi de faire de l’écriture, leur métier.
Bien vrai que certaines productions médiatiques laissent à désirer ( stéréotypes) nous devons reconnaître cette volonté de faire des contenus positifs fidèles à la réalité.

La sénégalaise Fatou Diome, par exemple, a accès à plusieurs espaces médiatiques pour parler des sujets qu’elle aborde dans ses œuvres. La sulfureuse auteure n’ a pas sa langue dans sa bouche, mais ce sont ses œuvres qui font sans aucun doute d’elle une femme talentueuse et une écrivaine hors paire. L’auteure est donc invitée dans plusieurs plateformes de discussions. Son sujet de prédilection à mon avis “la migration”.

Parmi les auteures africaines mises en lumière, nous avons la brillante écrivaine nigériane, Chimamanda Ngozi Adichie.
L’auteure d’ « d’hibiscus pourpre » ou d’ « Americanah » est très présente dans la presse et précisément sur les médias sociaux.
Ses œuvres fondamentalement féministes comme « chère ijeweale ou 15 suggestions pour une éducation féministe » ou encore son discours Tedx adapté en livret « Nous sommes tous féministes » pose le féminisme dans le contexte africain.

Nous constatons une évolution des choses au cours des époques. Les défis évoluent selon les générations. Mais une chose paraît indéniable, c’est qu’il existe bel et bien une littérature féminine africaine.