Mali : Les règles, oser en parler  

Longtemps associées à la honte car considérées comme sales, il est plus que temps de briser le tabou universel autour des menstrues, notamment en milieu scolaire.

Selon l’Unicef, en Afrique 66% des filles ne disposent pas d’une bonne information sur la menstruation avant d’être confrontées à leurs premières règles. Ce qui rend l’expérience négative et parfois traumatisante pour bon nombre d’entre elles.

Défis

Bien que les règles soient un processus biologique normal et le signe de la reproduction, elles restent tout de même taboues. Et cela dans plusieurs contrées. Toujours perçues comme honteuses, elles font stigmatiser plus d’une personne. Or, « c’est quelque chose qui est tout à fait naturel dans la mesure où c’est le corps même qui produit le sang menstruel. Il provient de l’utérus et écoule à travers le vagin » clarifie le Dr Mariam Sacko, maitre assistante, enseignante et chercheuse à l’Université des Sciences et des Techniques de Bamako (Faculté de médecine et d’odonto-stomatologie).

Malgré les efforts fournis jusque-là, des défis majeurs restent à relever, dont l’accès aux protections hygiéniques confortables et à des informations importantes pour permettre à des milliers de jeunes filles et femmes de vivre leurs menstrues avec dignité. A l’échelle mondiale, plus de 500 millions de femmes et de jeunes filles vivent dans la précarité menstruelle involontaire. Les plus touchées sont les sans-abris. La précarité menstruelle peut se traduire de plusieurs façons : quand une personne en cycle menstruel manque de protection hygiénique, quand elle ne peut pas changer régulièrement ses protections ou encore quand elle a recours à des protections improvisées non-désinfectées. A ajouter à ceci, l’accès à des endroits sûrs pour changer leurs protections.

La stigmatisation des filles en période de menstrues est une réalité. Et le manque d’information reste un des facteurs majeurs. L’Unesco estime qu’en Afrique subsaharienne, une fille sur 10 s’absente de l’école lors de son cycle menstruel. En effet, « nombreuses sont les jeunes filles qui rencontrent ce phénomène naturel sans en avoir la moindre idée. Prises par surprise, certaines préfèrent rentrer à la maison et y rester tout le temps du cycleDieu sait combien cela impacte leur performance. C’est intolérable dans une société où l’on cherche l’autonomisation des femmes » s’indigne Adam Drabo, de la société SUTURA.

Perspectives

Pour Awa Drabo, l’une des premières solutions est « L’implication du pouvoir public. Il faut que les serviettes hygiéniques soient disponibles en tout temps et en tout lieu. Donc, l’Etat doit subventionner. Mais pas que… Il faudrait aussi qu’il crée des infrastructures WASH dans les écoles et autres infrastructures afin que ces jeunes filles/femmes puissent gérer leurs règles dignement. » Il faudrait aussi de la sensibilisation : en direction des jeunes filles, aussi bien que des professeur.es. Sans oublier d’inclure les garçons. Car « il faut que les garçons et/ou les hommes aussi soient sensibilisés pour qu’ils comprennent que les règles sont normales. Que les professeurs arrivent à démontrer que c’est quelque chose qui est normal… Elles ne sont ni sales ni répugnantes. Elles font partie du processus de l’ « être-femme ».

Les femmes et les jeunes filles doivent être conscientisées afin qu’elles puissent parler des règles entre elles sans honte, partager des expériences et trouver des astuces de gestion. Pour le Dr. Ibrahim Haïdara : « il faut juste briser le tabou. Et l’apport des mères est inestimable. Il faut que les mères parlent avec leurs filles. Il faut aussi que les pères soient impliqués. Qu’ils abordent ces questions avec les enfants. Tous ensemble ! ».

Il faut aussi considérer le cas des filles et femmes en situation d’handicap. Selon Rokiatou Diakité, 90% de ces filles sont touchées par la précarité en milieu scolaire.  Les jeunes filles en situation d’handicap, qui ont la chance de fréquenter l’école, gèrent leurs menstrues à la maison avec l’assistance de la mère. « Et nul besoin de vous dire à quel point c’est très compliqué. La gestion de menstrues des personnes handicapées est très difficile.  Si on a accès à des serviettes hygiéniques réutilisables ce serait une aubaine. Mais il revient aux mêmes charges dans la mesure où il faut les laver ». L’accès aux toilettes dans les services et/ou lieux publics, écoles est très compliqué pour les handicapées. Il faut beaucoup d’effort pour qu’elles y arrivent. « Très souvent, soit les portes sont petites, soit les WC ne sont pas commodes ».

 

A noter. – Les personnes citées s’exprimaient à l’occasion d’une table-ronde, organisée le 28 mai 2022 (date de la journée mondiale de l’hygiène menstruelle). Sur le thème La gestion menstruelle, un défi en milieu scolaire, la rencontre était animée par le Dr Mariam Sacko, en compagnie du Dr Ibrahim Haïdara, de Mme Rokiatou Diakité et des jumelles Hawa et Adam Drabo, fondatrices de Sutura. Table ronde organisée par Teguè event pour son évènement Mousso ka lada kalo.

Le thème retenu de la journée mondiale était, cette année : Journée de l’hygiène menstruelle : faire de la menstruation une réalité normale d’ici 2030