[Portrait] Demba Keita, une artiste – peintre est née !

Assise sur un carton étalé, deux pinceaux et une boîte de café en main. Je l’observe mettre toute son énergie sur ses feuilles de dessins. Demba est une jeune dame de 28 ans, veuve, mère de deux enfants et concierge de profession. Je me suis entretenue avec elle pour en savoir davantage sur son histoire.

 

Peindre, une passion inavouée 

 

C’est à la HGalerie (une galerie d’art marchande de la place) que j’ai découvert pour la première fois les œuvres de Demba Keita. La jeune dame est une pouline de la HGalerie pour reprendre les mots du promoteur. Je ne suis pas critique d’arts mais je sais et j’ai vu que les œuvres de Demba renferment une histoire qu’elle-même ne peut expliquer pour le moment. L’art étant abstrait, chacun. e dans son imaginaire crée une histoire.

Des dessins de visages, avec différentes expressions voici ce que regorgent les œuvres de Demba. Ses outils et matériaux de dessin sont :  du café, de l’eau, des pinceaux, de vieux cartons, du papier, une grande tasse. Ses œuvres et sa créativité m’ont aussi poussé à m’entretenir avec elle. Demba est une femme introvertie voire très timide. Elle est courte de taille, mince, le regard toujours dirigé vers le bas, ce qui ne l’empêche pas d’être souriante.

 

La jeune dame veuve à ce jour et mère de deux enfants est concierge dans un immeuble à l’ACI 2000 (quartier administratif de Bamako). Comme de nombreuses femmes, c’est après la mort de son mari qu’elle s’est orientée vers le monde professionnel. Désormais mère célibataire, elle a su rapidement mettre ses aptitudes de ménagère à profit, en proposant son service à une agence de la place. Et c’est là qu’elle découvre le monde des arts, en passant l’éponge dans la HGalerie. C’est en observant chaque jour Haidara (peintre et promoteur de la HGalerie) peindre avec du café, qu’elle prend la décision de faire pareil. Et c’est accompagné par celui-ci qu’elle commence à réaliser ses premières œuvres et à les vendre. « Je me rappelle les sentiments de fierté et de joie qui m’ont animé quand j’ai reçu mon premier et seul salaire de peintre à ce jour. Ma famille était aussi contente. J’ignorais que mes dessins pouvaient être achetés et qu’ils avaient de la valeur. » nous dit elle !

Revenons un peu en arrière pour connaître son histoire, la jeune dame est née dans le village de « bougouya » dans le cercle de kita situé à 15 km de Bamako. En classe de cinquième année, elle tombe malade et se trouve dans l’incapacité de continuer l’école.  Elle s’installe à Bamako chez son frère après sa guérison. A l’âge de 16 ans, elle est mariée. Après le décès de son mari polygame, elle se retrouve principale responsable de ses deux enfants (une fille et un garçon). Et c’est là qu’elle embrasse sa carrière de « maman qui travaille ».

 

« Après le décès de mon mari, je me suis retrouvée en charge de la maison et de l’éducation des enfants. Je n’avais d’autre choix, que de me lever et chercher un boulot. Ma seule et grande expertise en tant que femme au foyer c’est le nettoyage. J’ai donc commencé à proposer ce service. Et c’est là qu’une connaissance m’a parlé de ce travail de concierge dans le quartier ACI 2000. J’ai été embauchée à la suite de sa recommandation. Et c’est ainsi que je suis devenue une femme active qui subvient aux besoins de sa famille. » nous confie-t-elle.

 

Elle vend ses premières œuvres à un évènement organisé par la galerie. Le promoteur décide d’en faire l’une de ses poulines et créer sa légende : « Je veux que le monde connaisse Demba, je veux que l’on parle d’elle dans les évènements artistiques. Le monde doit la découvrir et découvrir son histoire. Je vois du potentiel en elle. Et je suis sûr que la femme courageuse qu’elle est, peut se faire un nom dans les arts. Demba est la preuve que l’on n’a pas besoin d’éducation artistique pour aimer ou aimer créer des œuvres. » Haidara (promoteur de la HGalerie).

 

Demba au-delà de son amour pour le dessin, considère la peinture comme un moyen d’autonomisation. Elle souhaite que ses œuvres lui permettent un jour de subvenir totalement à ses besoins et à ceux de sa famille. Demba Keita comme de nombreus.es artistes racontent des histoires dans leurs œuvres. Des histoires de peur, de crainte pour sa part à elle. Ce sont les expressions faciales (de peur et d’étonnement, d’indifférence) qu’on retrouve sur les visages qu’elles dessinent. Elle m’a répondu qu’elle ignore pour le moment la signification des dessins quand j’ai voulu connaître le sens.