Les figures fortes dans l’histoire de l’Afrique : La Sarraounia Mangou du Niger !

Beaucoup d’Africaines d’origines et de conditions diverses se sont investies dans des actes de résistance et des luttes émancipatrices, mais leurs noms figurent trop rarement dans les livres d’histoire. Trop souvent négligées par les chercheurs, absentes à des exceptions dans les documents, leurs sacrifices et leurs efforts sont tombés dans l’oubli. Pour la journée mondiale de l’Afrique, nous avons décidé de rendre hommage à ces figures marquantes à travers une série de portraits.

 

 

La résistance se manifesta aussi dans le Niger de la fin du 19e siècle où une femme, la Sarraounia Mangou, tenta de sauver son village des exactions meurtrières d’une expédition française lancée à la conquête du Tchad, commandée par le capitaine Paul Voulet et son second, le lieutenant Julien Chanoine.

 Les populations subirent d’effroyables atrocités sur toutes les zones qu’ils traversèrent entre l’ancienne Haute Volta (Burkina Faso) et le Niger. La colonne française composée de sept officiers et de cinq cents tirailleurs africains avait pour objectif de terroriser les autochtones afin d’empêcher toute tentative de résistance. La mission Voulet et Chanoine, de son nom officiel Mission Afrique centrale-Tchad, laissera des milliers de morts dans son sillage. Habitations incendiées, décapitation des prisonniers, viols de jeunes filles, femmes enceintes éventrées, enfants pendus aux arbres à l’entrée des villages, pillages des vivres et des troupeaux. Les deux officiers poussèrent leurs hommes à toujours plus de cruauté, comme ce fut le cas en 1896, lors de l’incendie de la ville de Ouagadougou, accompagnée d’exécutions sommaires dans les populations Mossis.

Avertie par les récits terrifiants qui précédaient l’arrivée de la colonne infernale, la Sarraounia Mangou, reine des communautés Aznas en pays haoussa, parvint à convaincre les chasseurs et guerriers de Lougou, son village, de tenter de stopper cette équipée sauvage qui décimait le pays. A l’approche des Français, elle leur envoya un messager avec ces mots : « Contournez mon territoire où vous trouverez mes guerriers sur votre route. ».

Une reine déterminée à combattre la mission Voulet et Chanoine

Les deux officiers perçurent cet avertissement comme une provocation, et décidèrent de donner une leçon à ces villageois téméraires. L’affrontement eut lieu le 16 avril 1889. Postant leurs canonnières sur des collines surplombant le village, les assaillants procédèrent à un véritable massacre des combattants équipés de lances et de flèches empoisonnées. A l’appel de leur reine, ces derniers se replièrent dans la brousse où s’étaient cachés, la veille, les femmes, les enfants et les vieillards. En se réfugiant sous d’épais fourrés, ils pensaient pouvoir tenir tête à leurs adversaires. Et lorsque les tirs reprirent, les Aznas, galvanisés par les incantations de la Sarraouina, résistèrent tant qu’ils purent.

 

Face à cette opposition inattendue, le capitaine Voulet, irrité, décida d’en finir avant la tombée du jour affirmant qu’il était hors de question pour lui « d’installer son bivouac dans une zone sous la menace d’indigènes ». Ordre fut donné aux tirailleurs de mettre le feu à la brousse où jaillit un énorme brasier résonnant des hurlements des femmes et des enfants. Les assaillants assistèrent, impassibles, au calvaire de leurs victimes carbonisées, sans tenter de secourir les blessés. Le nombre de morts fut si important qu’ils renoncèrent à les compter comme ils le faisaient habituellement, considérant leurs victimes comme des trophées de guerre. Sauvée des flammes par ses guerriers, la Sarrounia Mangou fut la seule à avoir essayé d’arrêter cette équipée dévastatrice avant que la France n’intervienne contre ces officiers criminels, pour ensuite tenter d’étouffer l’affaire qui fit scandale à Paris. Quant à la Sarrounia, elle est devenue une icône au Niger.

 

Sources : Femmes africaines, Panafricanisme et Renaissance africaine. Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture. Département Afrique. Publié en 2015 par l’Organisation des Nations Unies pour l’éducation, la science et la culture.

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